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Extraits naturels en espaces verts : état des lieux et enjeux

Ce buis a été victime d'une attaque de chenilles de pyrale. Il a été traité avec un produit à base de Bacillus thuringiensis.PHOTO : MAXIME GUÉRIN, PLANTE & CITÉ

À l'occasion de journées techniques consacrées aux préparations naturelles peu préoccupantes (PNPP), Maxime Guérin, de Plante & Cité, a analysé la base de données du ministère, e-phy, pour dessiner le portrait d'un paysage en mutation.

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Organisées par l'Institut technique de l'agriculture biologique (ITAB), ces journées des 26 et 27 avril dernier ont permis de dresser un état des lieux global des substances naturelles, dont le rôle devrait monter en puissance dans le contrôle des maladies, ravageurs et adventices dans les cultures en général, et ce malgré un contexte législatif très évolutif (à lire dans une prochaine édition du Lien horticole). Les espaces verts n'échappent pas à ce constat. Maxime Guérin a rappelé que, dans les années 1970, les responsables d'espaces verts avaient opté pour une gestion horticole rationalisée, raffinée, esthétique, sur la base d'une approche conventionnelle. À la fin des années 1990, la gestion différenciée, harmonique, évolutive ou durable a fait son apparition.

Les rosiers sont les plus gâtés

À la fin des années 2000, un nouveau virage s'est esquissé, celui de la gestion écologique et des démarches vers le « zéro-phyto ». Cette mutation s'est faite dans un contexte législatif et réglementaire fortement changeant. L'arrêté du 12 septembre 2006, créant les délais de rentrée et les zones non traitées (ZNT), l'arrêté « espaces publics » limitant, voire interdisant, l'usage des produits en fonction de leur toxicité dans les espaces fréquentés par le public, la loi Labbé, encore plus restrictive, la Loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt (LAAAF), visant à protéger les personnes vulnérables, sont autant de textes qui ont, en leur temps, été largement évoqués dans nos colonnes et qui ont accompagné ou guidé ces évolutions. Sans parler des plans Ecophyto I puis désormais II. « Il devient, pour certains gestionnaires, quasiment impossible d'utiliser des produits phytosanitaires dans le respect de la loi », souligne Maxime Guérin.

Aujourd'hui, 20 % des phytosanitaires vendus à destination des jardins, espaces verts et infrastructures (JEVI) le sont aux professionnels, le reste aux amateurs (ce ratio était de 30 % il y a quelques années, l'utilisation par les collectivités baisse donc plus vite que celle des particuliers). « Les quantités commercialisées ont augmenté de 10,1 % de 2013 à 2014, mais globalement, en analyse triennale, elles ont diminué. » De 90 à 95 % sont des herbicides. Ces données sont issues d'une note de suivi pour 2009 à 2014, publiée cette année, et émanant du ministère.

Sur le terrain, la montée en puissance du « zéro-phyto » est accompagnée par une trentaine de chartes régionales et locales, les labels nationaux Ecojardin et Terre Saine (111 communes labellisées à ce jour).

Quant aux produits à base d'extraits naturels disponibles sur le marché (à la date de la présentation, en avril dernier, et sur la base e-phy, qui présente un délai de mise à jour), on ne trouve aucun médiateur chimique, par contre 14 micro-organismes, dont 3 bactéries et extraits (Bacillus thuringiensis...) et 11 champignons (Beauveria bassiana...) sont utilisables, aux côtés de 36 substances naturelles. Parmi ces dernières, 24 sont des végétaux et extraits, 5 sont des animaux ou extraits, 7 des minéraux.

Ce sont les rosiers qui se taillent la plus grosse part des produits, avec 52 spécialités fongicides (3 substances actives) et 5 insecticides (3 substances actives également). Viennent ensuite les « traitements généraux » avec 20 spécialités fongicides (pour seulement 2 substances actives), et 10 répulsifs (pour 9 substances). Les arbres et arbustes ont à leur disposition 26 spécialités, dont 19 insecticides (8 substances actives) et 7 fongicides (3). Quinze spécialités concernent les vivaces et annuelles dont 4 fongicides (1 spécialité) et 11 insecticides (6 spécialités). Et côté désherbant, on trouve 8 spécialités pour 5 substances actives, l'acide pélargonique, par exemple.

Dans les espaces verts, il existe toutefois des freins aux usages. Les contraintes réglementaires interdisent parfois le recours aux produits : un peu plus des trois quarts de ceux qui sont recensés sont utilisables dans le cadre de la loi Labbé (voir l'encadré ci-dessous). Par ailleurs, le secteur ne représente qu'un marché de niche pour les firmes : il peut donc être difficile de se procurer certaines spécialités et, sur le terrain, des services ne sont plus certifiés pour les utiliser...

« Les attentes sont variables selon les profils de gestionnaires et le type d'organisme, explique Maxime Guérin. Dans les parcs, jardins et espaces publics, la flore spontanée et les bioagresseurs d'importance modérée sont de plus en plus tolérés. Les interventions ne sont plus que ponctuelles et de nombreuses solutions, tant préventives que curatives, existent. Il reste nécessaire d'intervenir sur les plantes invasives et allergènes. Mais là aussi, d'autres moyens existent. Restent les infrastructures de transport, où il faut assurer la sécurité des usagers et agents de terrain, et où les méthodes alternatives actuelles sont peu adaptées. De nouveaux produits sont donc attendus.

Enfin, certains usages pourtant majeurs restent orphelins de solutions, d'autres ont une trop faible diversité de possibilités. Une seule substance est autorisée sur limaces aujourd'hui dans les lieux soumis à la loi Labbé. Les gestionnaires restent en attente de produits compatibles avec la législation et respectueux de la santé humaine et de l'environnement, faciles à utiliser et à un coût acceptable. » Autant de conditions qui, prises individuellement ne sont pas insurmontables, mais qui, additionnées, compliquent la tâche des fournisseurs.

Pascal Fayolle

Ci-dessus, une chenille de pyrale du buis éradiquée. PHOTO : MAXIME GUÉRIN, PLANTE & CITÉ

PHOTO : MAXIME GUÉRIN, PLANTE & CITÉ

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